Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 11, trad Golbéry, 1827.djvu/5

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lier avec les naturels. Combien de fois n’arrive-t-il pas qu’un voyageur met dans la bouche de l’Indien la réponse qu’il veut obtenir, ou qu’il l’explique conformément à ses idées : une série de questions péniblement comprises amène des paroles et des signes qui confirment le système de l’étranger, tandis qu’une opération pareille recommencée avec un autre Indien produit une autre fois un résultat différent. La croyance en l’être suprême a été attribuée aux Indiens sur la foi du mot tupa ou tupan, qui reparaît, dit-on, avec cette signification dans les langues de toutes leurs tribus. Cependant le fait est loin d’être généralement prouvé, et, par exemple, il est certain que chez les Coroados ce mot désigne la canne à sucre, et chez d’autres peuples le pisang. D’un autre côté, on ne peut nier que beaucoup de tribus, et surtout les Tupis, ne se servent du mot tupa pour désigner un être supérieur, ou du moins une puissance. On pourrait croire que les jésuites ont pris un mot de la langue de ces peuples pour leur donner, ainsi qu’aux Guaranis, une idée, et que le mot aura passé chez d’autres tribus, soit avec l’idée nouvelle, soit sans elle. Toujours est-il bizarre de voir dans des langues qui n’ont pas entre elles le moindre rapport, reparaître sans cesse ce mot avec cette signification qu’on lui attribue. Mais si les Indiens ont eu des idées de la divinité, on ne trouve pas chez eux le moindre vestige d’adoration. Il paraît que cette croyance n’est qu’une première notion de l’esprit, qu’un premier essai de la langue, pour s’exprimer d’une manière abstraite, pour distinguer le spirituel du matériel. C’est à cela qu’il faut rapporter aussi la croyance aux spectres et aux esprits méchans, qui est générale chez les Indiens. Quant aux traditions historiques et religieuses, ils n’en ont d’autre que celle qui est relative à une grande inondation.

Traiter ce sujet plus au long, serait déplacé dans cet ouvrage, d’autant plus qu’on y attache plus d’importance qu’il ne mérite, puisqu’il est certain que, quelles que soient à cet égard les idées de l’Indien, elles n’influent ni sur ses pensées ni sur ses actions. Nous allons parler des mœurs et des usages de ces peuples. À peu de modifications près, ce que nous en dirons, s’appliquera à tous ceux de la côte orientale, Tupis ou Tapuyas ; car les divergences essentielles sont principalement dus aux essais que les Portugais ont faits pour amener ces sauvages à l’agriculture : leur influence ne s’est pas étendue au-delà de quelques tribus.

En général, les hommes et les femmes sont nus. Les hommes portent autour des parties honteuses une gaîne de feuilles roulées, et les femmes ont autour des hanches une sorte de tablier tressé : tout le reste est plutôt ornement que vêtement, et c’est là le seul objet où les désirs dépassent les besoins physiques. Les Indiens sont peints et tatoués ; cependant ils sont loin de la perfection à laquelle prétendent les sauvages de