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et beaucoup de bagages, le meilleur parti est d’acheter sur-le-champ le nombre de mulets nécessaires. Dans cette affaire il est, comme on le pense bien, de la plus grande importance d’en choisir qui soient, à la fois, dressés et robustes, et de se garantir d’être dupé ; mais il est plus important encore de trouver, pour soigner et conduire ces animaux durant la route, un tropeiro ou muletier sur et expérimenté.

Toute économie en ce genre est fort mal appliquée ; elle entraîne pour tout le voyage les conséquences les plus désagréables, et rien n’est plus fou que de s’imaginer que tout esclave peut être indifféremment employé à cet usage. La plupart des voyageurs européens se tireraient fort mal d’affaire, même en Europe, s’ils avaient à s’occuper de leurs chevaux et de leurs bagages ; combien l’embarras serait-il plus grand dans une partie du monde à laquelle ils sont étrangers, dont le climat, les produits, etc., ne leur sont pas connus. Ici, bien plus qu’en Europe encore, les principaux personnages sont les quadrupèdes ; on dépend entièrement deux, et par conséquent de leur garde : il importe donc infiniment que, sous tous les rapports, il soit honnête, expérimenté et résolu.

Pour les transports ordinaires de marchandises, 50 ou 60 mulets composent ce qu’on appelle une tropa ; elle est subdivisée en lotos ou parties de 7 mulets chacune, et chacune aussi est confiée à un negro da tropa particulier, tandis que le tropeiro ou le propriétaire lui-même exerce la surveillance sur l’ensemble.

Ces dispositions et beaucoup d’autres choses dans les voyages du Brésil répondent entièrement à la manière dont en Espagne et en Portugal on se sert des arrieros et des almogrèves pour le transport des voyageurs et des marchandises. Les selles aussi (cangalhas) et le reste du harnachement diffèrent bien peu de celles que l’on emploie dans la péninsule. Les fonctions du tropeiro consistent à charger tous les matins avec le plus grand soin et à préparer à la route les mulets que l’on lui confie, puis de les tenir pendant la marche, autant que possible, en ligne avec le reste de la tropa ; enfin, en général, de veiller à ce que ni les bêtes ni les marchandises ne souffrent de dommage. Lorsqu’on a atteint le terme de la journée, on les décharge avec une grande vitesse et une grande précaution ; on relâche un peu la selle, et quelques minutes après, on l’ôte aux bêtes ; puis on leur enlève la sueur et la poussière avec un grand couteau que les tropeiros portent toujours à leur ceinture : toutefois on les laisse d’abord se rouler et s’étendre à leur gré, ce qui paraît être leur plus grande jouissance ; après cela, on leur donne un peu de sel, et on les lâche, afin qu’ils puissent paître dans le voisinage du lieu où l’on passe la nuit.