Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/128

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un édifice de ce style; ce serait une lourde erreur, une mauvaise entente dans la distribution des matériaux. Attendons-nous, au contraire, à admirer des colonnes importantes dans des places où elles ne rendent aucun service réel et où leur raison d'être principale est de fixer les rayons du soleil sur leur surface polie et de laisser errer nos regards charmés sur le dédale de leurs veines azurées.

Loi V. — Les colonnes doivent être de dimensions variées.

Puisque la valeur de chaque colonne dépend de sa dimension et que cette valeur — comme pour les pierres précieuses — diminue dans des proportions beaucoup plus considérables que cette dimension elle-même, nous ne pouvons pas attendre une parfaite égalité dans les séries de colonnes. On sait que la symétrie est recherchée dans la bijouterie, mais on ne se rend pas compte de son imperfection : si les pierres paraissent égales dans une bague ou dans un collier, c'est que notre œil ne mesure pas facilement une différence dans d'aussi petites pierres, tandis que cette différence devient fort apparente entre deux colonnes de neuf ou dix pieds de hauteur. De plus, le bijoutier qui a, sous la main, une multitude de pierres, peut toujours les changer; il n'a qu'à choisir, dans le nombre, celles qui lui paraissent les plus semblables. Ce choix exige pourtant un long examen après lequel la parfaite symétrie des pierres augmente considérablement le prix du bijou.

L'architecte n'a ni le temps, ni la possibilité de l'échange. Il ne peut pas mettre de côté une colonne dans un coin de l'église jusqu'à ce qu'il en ait trouvé une autre semblable; il n'en a pas à sa disposition une centaine parmi lesquelles il pourra, à loisir, faire son choix ;