Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/222

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lourde armure de la Renaissance sans que l’activité de leur marche en fût diminuée[1] : Léonard et Michel-Ange, Ghirlandajo et Masaccio, Titien et Tintoret Mais j’appelle la Renaissance une époque mauvaise, parce que, lorsque ses partisans se lancèrent dans le feu de la lutte, leur armure fut faussement prise pour leur force, et qu’ils surchargèrent de cette pénible panoplie des jouvenceaux qui eussent pu se mettre en route munis seulement de trois pierres ramassées dans le torrent.


Que le lecteur réfléchisse à tout cela lorsqu’il examinera par lui même l’œuvre du « cinque cento ». Rien de plus exquis quand elle fut exécutée par un artiste véritablement grand dont la vie et la force ne pouvaient être comprimées et qui pouvait mettre en valeur tout le savoir de son temps : je ne crois pas, par exemple, qu’il existe une plus belle statue équestre que celle de Bartolomeo Colleone, par Verocchio. Mais quand les œuvres du « cinque cento » sont faites par des hommes moindres qui, au temps du Gothique, auraient trouvé le moyen de montrer — peut-être grossièrement — ce qu’ils avaient dans le cœur, elles sont inanimées ; c’est une copie faible et vulgaire de quelque maître supérieur, ou bien une accumulation de qualités techniques ayant fait disparaître les dons naturels que pouvait posséder l’ouvrier.

Il y a naturellement dans cette période, une gradation infinie conduisant de la décoration de la chapelle Sixtine à celle qu’exécutent les tapissiers modernes, mais, comme la généralité des ouvriers architectes est forcément d’un ordre inférieur, on remarquera que la peinture et la

  1. On verra, dans le chapitre suivant, que ces hommes ne purent pourtant pas la porter sans en souffrir.