Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/225

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la façade comme un faucon à la porte d'une grange.

Mais, surtout, que le voyageur remarque dans la Casa Contarini delle Figure, un détail singulier qui paraît avoir été choisi — comme les sujets des Angles du Palais Ducal — pour nous bien expliquer la vraie nature du style qui l’a conçu. Dans les intervalles des fenêtres au premier étage, sont des boucliers et des torches attachés, en forme de trophées, à deux arbres dont les branches ont été coupées, et auxquels on n’a laissé, parci, par-là, que quelques feuilles fanées, à peine visibles, mais très délicatement sculptées, qui remplacent les rameaux enlevés.

La sculpture semble avoir voulu nous laisser une image de naturalisme expirant de l’École gothique. Je n'avais pas vu cette sculpture lorsque dans la première édition de cet ouvrage j’écrivais : « L’automne vint — les feuilles se détachèrent et l’œil se dirigea vers l’extrémité des branches délicates. Alors s’élevèrent les brouillards de la Renaissance, et tout périt. »


Ces teintes d’automne de la Renaissance sont les dernières qui apparaissent dans l’architecture. L’hiver qui vint à la suite fut dénué de couleur ; il fut froid et, quoique les peintres vénitiens aient longtemps lutté contre son influence, la torpeur de l’architecture finit par l'emporter sur eux : l’extérieur des derniers palais ne fut plus bâti qu’en pierres nues. Parvenus à ce point de notre enquête il nous faut dire adieu à la couleur; j’ai donc réservé, pour ce moment, la suite de l’histoire de la décoration chromatique que nous avons abandonnée et que nous allons suivre jusqu’à son extinction définitive. Il a été établi, plus haut, que la principale différence qui sépara la forme générale et le développement