Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/234

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de changement, La simple marqueterie décorative fit place à des sujets de peinture plus compliqués, représentant des personnages.

D’abord petites et modestes, ces peintures prirent un développement immense et renfermèrent des figures colossales : à mesure que ces œuvres gagnèrent en importance et en mérite, l’architecture à laquelle elles s’associaient fut moins étudiée et on finit par adopter un style dans lequel l’œuvre de la construction offrait aussi peu d’intérêt que celle d'une fabrique de Manchester, mais dont tous les murs étaient recouverts des fresques les plus précieuses.

De tels édifices ne peuvent plus être considérés comme formant une école d’architecture ; ils n’étaient plus que la préparation des panneaux artistiques et Titien, Giorgione ou Veronese ne relevèrent pas plus le mérite de la dernière architecture de Venise que Landseer ou Watts ne pourraient relever celle de Londres, en blanchissant tous ses murs de briques et en les couvrant, d'un bout à l'autre, de leurs œuvres.


En même temps que s’opérait cette modification dans la valeur relative de la peinture décorative et de l’œuvre de pierre, un autre changement, non moins important, survenait dans un autre groupe de construction : l’architecte, se sentant oublié, exilé de certains édifices, essaya de prédominer dans d'autres et, pour répondre à l’usurpation de la peinture il réussit à l’en chasser. Les architectes devinrent trop orgueilleux pour avoir recours à l’aide des peintres, et ceux-ci déployèrent leur talent sur les monuments que les architectes avaient dû quitter. Tandis qu’une série d’édifices devenaient ainsi de plus en plus faibles d’architecture, mais s’enrichissaient de peintures surappliquées, une autre série, dont nous avons