Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/46

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de Venise montre qu’elle connaissait l’esprit de l’Église romaine à laquelle elle marquait ainsi sa méfiance. À cette exclusion de l’influence papale dans ses Conseils, les catholiques attribuent l’irréligion de Venise et les protestants, ses succès. Une allusion à la politique du Vatican devrait suffire pour réduire les premiers au silence ; les seconds courberaient la tête de honte s’ils réfléchissaient que les Chambres anglaises ont sacrifié leurs principes pour s’exposer à ce même danger que le Sénat vénitien redoutait à un tel point que, pour l’éviter, il sacrifia jadis les siens.


Notons encore la remarquable union des familles composant le gouvernement de Venise ; union plus ou moins sincère, mais qui contraste avec les révoltes et les divisions violentes des familles qui détinrent successivement le pouvoir dans les autres États italiens. Enfin, remarquons avec respect que, parmi toutes les tours qui restent encore debout, dans les îles comme une forêt dépouillée de ses branches, il n’y en a qu’une seule qui ne fût pas chargée d’appeler à la prière, et c’était une tour de guet. Tandis que tous les palais des villes italiennes étaient défendus par des remparts crénelés d’où partaient les flèches et les javelots, les sables de Venise ne supportèrent jamais un monument guerrier : les terrasses de leurs toits étaient couronnées de globes d’or suspendus au feuillage des lys[1].


Étudions maintenant la connexité des arts avec l’histoire de la ville.

Commençons par la peinture.

  1. Les fortifications de l’Arsenal ne sont pas en contradiction avec cette remarque : ce n’était qu’un semblant de précaution contre l’attaque d’un ennemi étranger.