Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/60

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commencement du XVe, c'est-à-dire pendant la grande période de la vie de Venise. Je date son déclin de 1418 : cinq ans après, Foscari étant Doge, apparurent, dans l'architecture, les signes évidents du changement noté par Philippe de Commines, changement auquel Londres doit Saint-Paul ; Rome, Saint-Pierre ; et l'Europe, en général, la dégradation dans l'art qu'elle a pratiqué depuis lors.

Ce changement dans l'architecture se manifesta tout d'abord, dans le monde entier, par une diminution de sincérité et de vie. Le Gothique, au nord comme au sud, se corrompit. En Allemagne et en France, il se perdit dans un flot d'extravagances ; le Gothique anglais se sangla follement dans un étroit vêtement de lignes perpendiculaires ; l'Italie se livra à l'efflorescence d'ornementation sans motif de la Chartreuse de Pavie et de la cathédrale de Côme, et on vit apparaître à Venise, l'insipide et confuse « Porta della Carta » et les extravagantes crosses de Saint-Marc. Toutes les architectures, notamment celle des édifices religieux, se corrompirent à la fois ; signe manifeste de l'état de la religion en Europe, de l'avilissement particulier des superstitions romaines et de la moralité publique, qui aboutirent à la Réforme.

Deux grandes catégories d'adversaires s'élevèrent contre la papauté corrompue : en Allemagne, les protestants ; en France et en Italie les rationalistes. L'une demandait la purification de la religion ; l'autre, sa destruction. Le protestant conservait sa religion, mais repoussait les hérésies de Rome et jusqu'à son art : par cette dernière exclusion, il fit injure à son caractère ; il rétrécit son intelligence, en lui refusant un de ses plus noble emplois, et affaiblit matériellement son autorité. L'arrêt survenu dans la marche en avant de la Réforme