Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/167

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mes, à la façon des belettes, de la proie la plus délicate ; c’est-à-dire que nous gardons un certain nombre de manants à bêcher et à bûcher, abrutis sous tous les rapports, de façon que nous, nourris gratis, puissions avoir toute la vie spirituelle et sentimentale pour nous. Sans doute il y a beaucoup à dire en faveur de ceci. Un gentleman anglais, autrichien, ou italien, bien né et bien élevé (et à plus forte raison une dame) est un beau produit, supérieur à la plupart des statues ; étant beau de couleur aussi bien que de forme et ayant une cervelle en plus ; c’est un glorieux spectacle que le contempler, une merveille que s’entretenir avec lui et vous ne pouvez l’obtenir, ainsi qu’une pyramide ou qu’une église, que par le sacrifice d’une grande cotisation de vies. Et il est peut-être mieux d’élever une belle créature humaine qu’un beau dôme ou un beau clocher et plus délicieux de lever respectueusement les yeux vers un être si au-dessus de nous que vers un mur ; seulement la belle créature humaine aura quelques devoirs à remplir en retour, devoirs de beffroi et de rempart vivants dont nous allons parler dans un instant[1].

  1. La « Library Edition » fournit du sens de ces mots « dans un instant » (presently) une explication qui me semble très juste et très naturelle, mais dont on ne s’avise pas généralement, parce que tout ce passage est placé en appendice, à la fin des Trésors des Rois. Or, il n’est qu’une note du § 30, imprimé à cause de son importance après la conférence. De sorte que ce « presently », dit la « Library Edition », se rapporte aux §§ 42 et suivants. (Note du traducteur.)