Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/188

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est pour tout homme la sanctification de sa force et la continuité de ses desseins. Et cela non qu’une telle obéissance reste tutélaire ou honorable, si elle est rendue à celle qui en est indigne ; mais parce qu’il devrait être impossible à un jeune homme vraiment noble — et qu’il lui est, de fait, impossible s’il a été formé au bien — d’aimer une femme aux doux avis de qui il ne pourrait se fier, ou dont les ordres suppliants pourraient le laisser hésitant à leur obéir.

65. Je n’argumenterai pas davantage la-dessus, car j’estime que c’est à la fois à votre expérience qu’il faut laissera connaître de ce qui fut et à votre cœur, de ce qui doit être. Vous ne pensez certainement pas que la coutume pour le chevalier de se faire agrafer son armure par la main même de sa dame était le simple caprice d’une mode romanesque. C’est le symbole d’une vérité éternelle — que l’armure de l’âme ne tient jamais bien au cœur si ce n’est pas une main de femme qui l’a attachée. Et c’est seulement si elle l’a attaché trop lâche que l’honneur de l’homme fléchit.

Ne connaissez-vous pas ces vers charmants ? Je voudrais les voir sus par toutes les jeunes femmes d’Angleterre :

Ah ! la femme prodigue — elle qui pouvait
À sa douce personne mettre son prix
Sachant qu’il n’avait pas à choisir, mais à payer,
Comment a-t-elle vendu au rabais le Paradis !

Comment a-t-elle donné pour rien son présent sans prix,
Comment a-t-elle pillé le pain et gaspillé le vin,