Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/225

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la porte, quelqu’un qu’elle supposa être le jardinier[1] ? Ne l’avez-vous pas cherché souvent, Lui, cherché en vain, toute la nuit, cherché en vain à la porte de cet ancien jardin où l’Épée flamboyante est plantée[2] ?

Là Il n’est jamais ; mais à la porte de ce jardin-ci Il attend toujours — il attend de vous prendre par la main, prêt à descendre voir avec vous les fruits de la vallée, voir si la vigne a fleuri, et si la grenade a bourgeonné.

Là vous verrez avec Lui les petites vrilles de la vigne que sa main conduit ; là vous verrez[3] éclater les grenades où sa main a caché la graine couleur de sang, et plus encore : vous verrez les troupes des anges gardiens, en remuant leurs ailes, écarter les oiseaux affamés des sentiers où Il a semé, et, s’appelant l’un l’autre à travers les ran-

  1. Cantique des Cantiques, ii, 15. (Note du traducteur.)
  2. Saint Jean, xx, 15. Ruskin a fait des mêmes versets un bel usage dans Fors Clavigera : « Rappelez-vous seulement des jours ou le Sauveur des hommes apparut aux yeux humains, se levant du tombeau pour rendre manifeste son immortalité. Vous pensiez sans doute qu’il était apparu dans sa gloire, d’une surnaturelle et inconcevable beauté ? Il apparut si simple dans son aspect, dans ses vêtements, que celle qui, de toute la terre, pouvait le mieux le reconnaître, l’apercevant à travers ses larmes, ne le reconnut pas. Elle le prit pour « le jardinier ». (Fors Clavigera, lettre XII). Comparez Victor Hugo, la fin de Satan : « Madeleine croira que c’est le jardinier, » (Note du traducteur.)
  3. Genèse, iii, 24. Voir une belle application de ce texte dans Modern Painters : « Et il mit à l’orient du jardin un chérubin à l’épée flamboyante. » — « Ces flammes sont-elles inextinguibles et vraiment ne peut-on plus passer à travers les portes qui gardent le chemin ? Ou plutôt n’est-ce pas que nous ne désirons plus y entrer ?… Tant que nous aimerons mieux combattre notre prochain que nos fautes, etc. ; en vérité l’épée flamboyante se mettra en travers de tout chemin et les portes de l’Eden resteront fermées, jusqu’au jour où nous aurons rentré au fourreau les pointes plus enflammées encore de nos passions, etc. » (Modern Painters, partie VI, § 51.) (Note du traducteur.)