Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/107

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mais il aurait aussi bien fait d’insister auprès d’un bouleau croissant de la fente d’un rocher, afin qu’il fixât d’avance la direction de ses branches. Les vents et les torrents les arrangeront selon leurs fantaisies sauvages ; tout ce que l’arbre peut faire, c’est de croître, gaiement s’il est possible, tristement si la gaieté est impossible et de laisser les dents noires et les cicatrices mordre le blanc rosé de son tronc là où le voudra la destinée… »

À la vérité, dans ses premiers ouvrages : les Modem Painters, les Sept Lampes de l’Architecture, les Pierres de Venise, on saisit une intention de composition, d’ailleurs maladroite, et les matériaux se classent sinon avec ordre, du moins avec une apparente symétrie. Mais après ces grandes assises de son œuvre, le plan est absent et la composition amorphe. Partout Ruskin vous parlera de tout : of many things, comme il avait sous-intitulé un de ses volumes des Modem Painters, ce qui fit beaucoup rire et est pourtant le seul titre exact qu’il leur ait jamais assigné. Si vous attendez d’un livre une thèse unique et liée sur un seul objet défini, si vous n’êtes pas résolu, en l’ouvrant, à laisser là tout appétit de logique et tout instinct de classification, il ne faut pas vous hasarder dans ce merveilleux dédale. Sésame n’aura pas de vertu pour vous y introduire, ni Ariadne de fil pour vous y guider.