Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/177

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de costumes spéciaux ni n’habitent plus d’architectures révélatrices, l’auberge a hérité la poésie des vieilles demeures seigneuriales ou monacales. D’ailleurs, elle est souvent faite d’un palais comme à Venise ; elle contient souvent une chapelle, comme sur les bords de la Méditerranée. Un apôtre peut donc y parler, comme dans un cadre naturel, et ses grands gestes vont s’y déployant à leur aise. Ruskin est cet apôtre des caravansérails cosmopolites. Il apparaît comme l’archange des Cook’s Tours et le prophète des Terminus. Devant lui marchent, nuit et jour, grâce à la locomotive, la colonne de feu et la colonne de fumée. Autrefois, au temps des vies sédentaires et des destinées enracinées, on n’eût rien compris à cette fonction d’un esthéticien conducteur de peuples. Mais aujourd’hui que l’humanité errante a jeté bas ses lares, éteint ses foyers et s’en va sur toutes les plages, au pied de tous les monts ou encore dans les villes mortes transformées en reliquaires afin de mieux connaître cette terre qu’elle trouve trop petite et ce passé qu’elle trouve trop court ; aujourd’hui qu’incertains d’une vie future nous cherchons à prolonger notre existence plutôt en deçà d’elle-même, à revivre les siècles déjà vécus en nous identifiant avec les vies peintes dans les musées ou à ressentir quelque chose des vies multiples des