Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/198

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où ils sont incapables de « tact », — ce tact que le mimosa possède le plus parmi les arbres, que la femme pure possède au-dessus de tous les êtres ; cette finesse, cette plénitude de sensation au delà de la raison et qui guide et sanctifie la raison elle-même. La raison ne peut que déterminer ce qui est vrai. C’est la passion de l’humanité qui peut reconnaître ce qui est bon. »

Mais est-ce que la sensation suffit ? Tous les êtres ont la sensation. La plante même éprouve quelque chose ; est-ce à dire qu’elle éprouve le beau ? Parmi les sensations de l’homme même, n’en est-il pas de tellement diverses qu’elles semblent se distinguer non pas seulement par leurs degrés, mais bien encore par leur nature ? Est-ce que sentir le charme d’un rayon frisant sur les eaux lointaines d’un lac, c’est la même chose que sentir le fumet d’un roastbeef ? Cette dernière sensation est beaucoup plus utile, mais l’autre est précisément celle qui nous permettra d’étudier les rapports de la Nature et de l’âme. Bien plus, ce sont ces sensations dites inutiles qui sont les plus puissantes, les plus exquises et les plus indéfiniment renouvelables. « Les plaisirs du goût et du toucher ou toute autre jouissance sensuelle nous sont donnés comme des serviteurs de notre vie et comme des instruments de sa préservation. Ils nous inclinent à rechercher