Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/200

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vie, en tout ce qui peut être désiré à l’infini et pour soi-même, nous pouvons être sûrs qu’il y a quelque chose de divin.... »

La faculté qui perçoit le Beau n’est donc pas la sensibilité brute. Quelque chose d’autre s’y mêle qui la sauve de ce qu’elle a d’animal et qui prolonge ce qu’elle a d’éphémère. Quelque chose s’y lie étroitement qui, à la violence obscure de ce qui est sensuel, unit la paix limpide de ce qui est pensif. Rappelez-vous donc, pour vous en convaincre, ce que vous éprouvez devant l’horizon que vous aimez le mieux, aux saisons et aux heures les plus révélatrices ; rappelez-vous ce que vous avez senti devant ce coin de terre que chacun de nous a aperçu, un jour, par la fenêtre d’un wagon, dont il a dit : J’y reviendrai, j’y passerai ma vie, — et où il n’est jamais revenu.... C’est d’abord un plaisir sensuel, mais il est accompagné de joie, d’amour pour l’objet, d’une espèce de vénération pour sa cause inconnue, d’une gratitude envers la Beauté d’être ce qu’elle est, de l’être pour nous qui seuls avons des yeux pour la voir, — à moins que, comme dans les tableaux primitifs, la même Vierge et les mêmes fleurs que contemplent sur la terre les chevaliers et donateurs, ne soient aussi contemplées du haut des nuages par un vieillard puissant et ses anges familiers.... « Or aucune idée