Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/266

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une loi de la Nature, une loi aussi invariable que celle de la gravitation, qu’il ne pourra y prendre autant de plaisir que s’il en avait usé en moindre quantité. Son œil est surmené et rassasié, — et le bleu et le rouge n’ont plus de vie en eux. Vainement il essaie de les peindre plus bleu et plus rouge : tout bleu est devenu gris et devient gris de plus en plus à mesure qu’il en ajoute ; tout son pourpre devient brun et se fait de plus en plus automnal et fané, à mesure qu’il l’approfondit. Mais le grand peintre, lui, est sévèrement sobre dans son travail. Il aime la couleur vive de tout son cœur, mais pendant longtemps il ne se permet rien de semblable, — rien que des bruns sobres et des gris modestes et des couleurs qui, en elles, n’ont pas de beauté évidente, mais, par son gouvernement, elles deviennent délicieuses et après qu’il a tiré d’elles toute la vie et tout le pouvoir qu’elles possèdent et qu’il en a joui jusqu’au degré suprême, — alors, prudemment et comme couronnement de l’œuvre et dernière note de sa musique, il se permet, pendant un instant, de la pourpre et de l’azur, — et toute la toile est en flammes !

Le plan de la Nature doit être imité non seulement dans la couleur, mais jusque dans la facture. « Car il y a toutes sortes d’harmonies dans un tableau, selon son mode de production. Il y a même une harmonie de la touche. Si vous en peignez une partie rapidement et vigoureusement et une autre partie lentement et minutieusement, chaque morceau du tableau pourra être bon, séparément, mais ils ne s’accorderont pas entre eux. Pareillement, si vous peignez une partie sous un jour