Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/276

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celle que donne l’adoration : l’humilité ? L’Humilité qui ne cherche pas les succès soudains et bruyants, mais qui consent aux recherches lentes et silencieuses ; l’Humilité qui ne s’attache pas exclusivement aux arts intellectuels et aristocratiques, mais qui ne recule devant aucune besogne nécessaire ; l’Humilité qui permet l’union de tous les artistes, fondée sur la mutuelle estime de la part que chacun prend au travail de tous ?

Si, aujourd’hui, l’on voit créer encore quelques beaux tableaux de chevalet, quelques jolies statues, quelques bonnes parties d’un édifice, mais jamais une belle décoration d’ensemble, ce n’est pas qu’on manque de technique ni de talent, c’est que, pour arriver plus vite au succès et surtout à la fortune, l’artiste fait comme l’industriel : il se spécialise ; il dirige tous ses efforts dans le sens où il atteindra le plus de virtuosité et en vue des œuvres les plus lucratives. Il se garde de se dévouer à tous les arts, de peur de n’en réussir aucun. « Le membre de l’Institut est occupé seulement à produire des morceaux de toiles peintes qui seront montrées dans des cadres et des morceaux polis de marbre qui seront logés dans des niches, tandis que vous demanderez à votre constructeur de dessiner des patrons colorés en pierres et en briques, et à votre marchand de porcelaines