Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/88

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de magnétisme personnel, qui lui fît tant d’amis parmi les ouvriers de Londres ou les paysans de Coniston. Regardons-le monter dans la chaire d’Oxford, en 1870 par exemple. Depuis longtemps la salle est bondée, tous les coins pris d’assaut par les étudiants qui, pour l’entendre, ont déserté les autres cours, ou leurs luncheons, ou, ce qui est à peine croyable, leur cricket. Il y en a dans les fenêtres, il y en a sur les armoires. Çà et là, des dames, parfois aussi nombreuses que les étudiants, des Américaines qui ont passé l’Atlantique pour voir celui que Carlyle appelle l’ethereal Ruskin. Les portes restent ouvertes, bloquées par la foule qui reflue au dehors. Quand le maître paraît, tout Oxford l’acclame. Ceux qui ne l’ont jamais vu se hissent sur la pointe du pied et aperçoivent un homme grand et svelte qu’un cortège de disciples accompagne, comme un philosophe d’Athènes. Ce n’est peut-être pas très régulier, mais il semble occuper la chaire de l’irrégularité. Les cheveux, longs et touffus, sont blonds ; les yeux, d’un bleu lumineux, changeants comme les flots, la bouche fine, ironique, plus mobile que l’arc qui lance le trait, le teint vif, les sourcils forts. Toute la physionomie également faite pour l’enthousiasme et le sarcasme, pour refléter la passion qui consume ou la contemplation qui apaise : figure de batailleur