Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un horizon inattendu. Enfin l’on sent qu’on arrive, qu’on s’élève, la vue s’étend de plus en plus, et, au milieu des applaudissements, la conférence, commencée sur un détail microscopique, finit sur une idée générale. — De l’humble village caché au creux d’un vallon, votre guide, l’edelweiss au chapeau, vous a conduit, par mille lacets, sur quelque haut sommet d’où l’on découvre le monde…

Mais le guide, un jour, s’est arrêté au pied de ces montagnes tant de fois conquises. Et voici comment apparaît maintenant le vieillard dont la voix ne retentit plus en public, vu dans sa retraite de Brantwood adossée à des rochers et à des bois sauvages (brant-wood), au bord du lac de Coniston où il est venu vivre après la mort de ses parents, parce que rien n’y trouble ses rêves : « Ruskin, écrit Mme Thackeray Ritchie, me paraît avoir été moins pittoresque jeune homme que maintenant dans ses derniers jours. Peut-être les cheveux gris ondoyants lui vont-ils mieux que les sombres boucles, mais les yeux ardents, parlants, doivent avoir toujours été les mêmes, ainsi que les tons de cette voix délicieuse avec sa prononciation légèrement étrangère de l’« r » qui nous sembla si familière la seconde fois qu’il nous reçut à Coniston, longtemps, longtemps après notre première rencontre. Le voyant après quinze ans, je fus frappée du