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LA COMPLAINTE D’OUTRE-MER

Ha ! rois de France, rois de France,
La loi, la foi et la créance
Va presque toute chancelant !
Que vous iroie plus celant ?
Secorez-la, c’or est mestiers ;
Et vous et li quens de Poitiers[1]
Et li autre baron ensamble :
N’atendez pas tant que vous emble
La mors l’âme, por Dieu seignor ;
Mès qui voudra avoir honor
En paradis, si le déserve,
Quar je n’i voi nule autre verve.
Jhésu-Criz dist en l’Évangile,
Qui n’est de trufe ne de guile :
« Ne doit pas paradis avoir
« Qui famé et enfanz et avoir
« Ne lest por l’amor de celui
« Qu’en la fin ert juges de lui. »

Assez de gent sont mult dolant
De ce que l’en trahi Rollant,
Et pleurent de fausse pitié,
Et voient à iex l’amistié
Que Diex nous fist qui nous cria,
Qui en la sainte croiz cria
Aus Juys qu’il moroit de soi[2] :
Ce n’ert pas por boivre à guersoi[3] ;

  1. Il y a ici en note dans le Ms., de la main de Fauchet : « Saint Loys et son frère. » (Alphonse.)
  2. De soi pour de soif.
  3. A guersoi, à ivrognerie, par gourmandise. — Ce mot, qui est composé de 'guère et de soif me semble une raillerie philologique pour désigner