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LA COMPLAINTE D’OUTRE-MER.

Se il vous demande la terre
Où por vous vout la mort soufferre,
Que direz-vous ? Je ne sais qoi.
Li plus hardi seront si qoi
C’on les porroit penre à la main :
Et nous n’avons point de demain,
Quar li termes vient et aprouche
Que la mort nous clorra la bouche.

Ha, Antioche ! terre sainte !
Com ci a dolereuse plainte
Quant tu n’as mes nus Godefroiz !
Li feus de charité est froiz
En chascun cuer de crestien :
Ne jone homme ne ancien
N’ont por Dieu cure de combatre.
Assez se porroit jà débatre
Et Jacobins et Cordeliers,
Qu’il trovaissent nus Angeliers[1],

  1. Angeliers est l’un des héros du cycle carlovingien. Les romans des douze pairs l’appellent toujours Engeler de Gascoigne, li Gascuinz Engelers, ou Angeliers de Bordele (Bordeaux). Il avait pour père Drues de Montdidier, pour mère la première fille d’Aymeri de Narbonne, et pour frères Gaudin, Richier et Sansson. Voici en quels termes nous l’apprend Le roman d’Aymeri de Narbonne (Ms. 2735, Bibl. du Roi, fol. 52, 2e  col.) :
    .....Droes de Montdidier
    Quatre filz ot qui furent preuz et fier :
    L’un fu Gaudin et li autres Richier,
    Et li dui autres Sansson et Angelier
    Qui tant aidièrent Guillaume le guerrier ;
    Crestienté firent mult essaucier.

    Selon la Chanson de Roland, il fut tué à la bataille de Roncevaux par un Sarrasin nommé Climborins, qui montait un cheval appelé Barbamusche, et fut vengé immédiatement par Roland, dont l’épée Hauteclère perça d’outre en outre son meurtrier.