Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LA DESPUTIZONS DOU CROISIÉ
Dont l’arme est por meilleur tenue :
Si ne valent ne ce ne quoi
Quant ce vient à la revenue[1].
« Se Diex est nule part el monde,
Il est en France, c’et sens doute ;
Ne cuidiez pas qu’il se reponde
Entre gent qui ne l’aimment goute.
Et vostre meir est si parfonde
Qu’il est bien droiz que la redoute ;
J’aing mieux fontaine qui soronde
Que cele qu’en estei s’esgoute. »
— « Tu ne redoutes pas la mort,
Si seiz que morir te convient,
Et tu diz que la mers t’amort !…
Si faite folie dont vient ?
La mauvistiez qu’en toi s’amort
Te tient à l’osteil se devient ;
Que feras se la mort te mort
- ↑ La plupart de nos historiens confirment le reproche que contient ce passage ; les Chroniqueurs font un affreux tableau des vices qui souillaient le royaume de Jérusalem. Des pèlerins qui en se faisant soldats croyaient échapper à toute espèce de joug ne devaient pas être des modèles de vertu. « Je ne suis pas surpris, disait Saladin, que les chrétiens soient vaincus : Dieu ne peut accorder la victoire à des hommes si vicieux. » On peut également rapprocher de ce passage de Rutebeuf la strophe suivante d’une pièce de vers qui se trouve dans le Ms. 1830 Saint-Germain, où elle est intitulée Des proverbes et du vilains :
La voie d’outre-mer
Voi à maint hom amer :
A l’aler gabe et huie ;
Quant vient au revenir
Ne puet soi soutenir,
A un baston s’apuie :
« Las boef, soef marche, »
Ce dit li vilains.