Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/385

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longuement les vertus du duc de Braban et adresse ses vers au comte d’Artois. Je concluais de là (voyez page 40 de mon édition de La Complainte et le Jeu de Pierre de la Broce) qu’Adenez, n’ayant désigné ses deux collaborateurs que par leurs noms génériques (Artois et Brabant), avait pu croire, tout en les ayant nommés en effet, avoir mis leur modestie féminine entièrement à couvert.

Pourtant je n’étais pas satisfait de cette solution et j’allais m’occuper de la vérifier de nouveau, quand une lecture plus attentive de Cléomades vint me prouver qu’elle était erronée, sinon quant au fond, du moins dans la manière dont je la motivais. Vers la fin du roman, Adenez dit tout à coup en parlant des deux dames qui nous occupent :

Nommées les ai, ce sachiez :
Ne cuit pas qu’entendu l’aiez,
Ne je ne quier ne ne l’ voudroie.

Or, comme l’endroit où Adenez écrit ces paroles précède celui où il nomme le duc de Brabant et celui où il envoie son livre au comte d’Artois, je vis clairement que ce n’était pas au-delà de ce passage qu’il fallait chercher le mot de l’énigme.

J’avoue que je n’ai jamais appliqué mes soins ni perdu mon temps à essayer de deviner des acrostiches : c’est peut-être à cette circonstance que je dois d’être resté aussi longuement en présence de celui-là (car c’en était un) sans me douter le moins du monde de la manière dont j’en pourrais trouver la clef. Enfin j’y réussis : j’imaginai de prendre la première lettre de quelques vers pour voir si leur ensemble ne formerait pas un sens, et je lus ce qui suit : La roysne de France Marie ; — Madame Blanche.

L es dames qui ce me contèrent
A faire cest livre monstrèrent
R oyaume leur humilité.
O r me doinst Diex que à leur gré
Y aie ma paine emploié.
S e li pri qu’il m’y aïe ;
N ommer les vueil, qu’en couvent l’ai,
E n cest livre, et je le ferai.