Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/397

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chose digne de mémoire, la haute chevalerie Guys de Montfort fu iluecques essauciée et esprouvée sur tous les autres ; car dès le commencement de la bataille il se féri comme foudre entre ses anemis ; et aussi comme li sengliers qui se forsenne entre les chiens, il féroit si grant cops de çà et de là qu’il trespassa tout l’estour et la tourbe de ses annemis ; et puis retourna parmi euls en abatant et en ociant quanque il ataignoit à plain coup, si que toute la terre estoit couverte de sanc partout où il passoit. Illuecques li avint une mervillieux aventure, que ces hiaumes li tourna ce devant derrière, si que à peine l’alainne ne li faloit, ne ne véoit goute ; mais il féroit à destres et à senestre ne savoit où, comme hors du sens. Quant Erars de Valeri le vit en tel point et en si grant péril, si ot pitié de son travail, et s’aprocha de li et le prit aux mains par le hyaume, si que il i retourna arrière à son droit ; et quant Guys senti qu’il fu pris par le hyaume, si haussa s’espée, que il cuida estre pris de ses anemis, et féri Erars un trop merveilleus coup, et eust tantost recouvré l’autre se il ne l’eût recongneu à la vois. »

Là se termine ce que Guillaume de Nangis rapporte d’Erard de Valeri, et il ne nous donne aucune notion sur le reste de son séjour en Italie, non plus que sur la cause et l’époque de son départ d’auprès de Charles d’Anjou. Il est probable cependant qu’il ne tarda pas à quitter ce prince, puisque nous voyons qu’il fut présent en 1268 à la promesse, dit l’Histoire généalogique de France, que Thibaut de Champagne fit à Baudouin, empereur de Constantinople, de l’aider à recouvrer son empire[1].

Tous les faits que nous venons de rapporter se retrouvent dans La branche aux royaux lignages de Guillaume Guiart, qui n’est autre chose pour cette époque que la chronique

  1. L’Histoire généalogique commet ici une erreur. Baudouin offrit bien à Thibaut une portion de son empire, s’il voulait l’aider à le reconquérir ; mais celui-ci, loin d’accepter et de promettre du secours, refusa au contraire d’assister dans ses projets l’empereur de Constantinople, (Voyez page 40, note 2.)