Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

sation de ses leçons parce qu’on ne voulait pas lui rendre justice de quelques nouvelles violences exercées sur des écoliers, les Dominicains répondirent qu’ils n’obéiraient jamais à ce décret, à moins qu’on ne leur concédât authentiquement et à perpétuité deux chaires de théologie. L’Université se contenta pour le moment de déclarer cette proposition insolite et inadmissible ; mais deux mois plus tard, lorsqu’elle eut obtenu réparation, elle déclara, afin de prévenir de semblables discordes, qui n’étaient propres qu’à affaiblir son pouvoir en neutralisant l’effet des mesures qu’elle pouvait prendre, que désormais personne ne serait admis au nombre des maîtres sans avoir auparavant juré d’observer les statuts universitaires. Là-dessus nouvelle protestation des Dominicains, bien qu’on eût adjoint à la formule du serment, dans le but de prévenir toute objection, cette clause expresse : « Pourvu qu’à mon égard, à moi qui professe la règle des Frères-Prêcheurs, les dits statuts ne soient ni illicites, ni déshonnêtes, ni contraires au salut des âmes, ni opposés au droit divin et humain ou même à l’utilité publique, ni dangereux pour l’Église. »

L’Université, poussée à bout, les retrancha de son corps, et ceux-ci l’accusèrent devant le comte de Poitiers, qui en l’absence du roi gouvernait le royaume avec la reine Blanche, d’avoir rendu des édits contre Dieu et l’Église, et machiné des conspirations contre l’honneur du roi et ses intérêts. Innocent IV vint aussi se mêler de la querelle, et lança contre les séculiers une bulle de suspension, que leurs adversaires s’empressèrent de publier en chaire dans les églises paroissiales. Pour répondre à cet acte d’hostilité, l’Université fit lire à son tour dans les écoles par ses appariteurs et ses bedeaux le décret qui séparait les Dominicains de la société académique. Ici vient se placer une scène burlesque où la dignité des deux corps semble également compromise. Tandis qu’un des bedeaux universitaires remplissait son devoir dans le propre collége des Dominicains, ce qui pourrait passer pour une espèce de provocation, à moins que la lecture du décret dans les établissements des Frères ne fût regardée comme une