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LA COMPLAINTE RUTEBEUF.
Par quoi puisse passer le tens.
Tel siècle ai-gié :
Mi gage sont tuit engagié
Et de chiés moi desmanagié,
Car j’ai géu
Iij. mois, que nului n’ai véu[1].
Ma fame r’a enfant éu,
C’un mois entier
Me r’a géu sor le chantier.
Je me gisoie endementier
En l’autre lit,
Où je avoie pou de délit ;
Onques mès mains[2] ne m’abelit
Gésir que lors ;
Quar j’en sui de mon avoir fors
Et s’en sui mehaigniez du cors
Jusqu’au fénir.
Li mal ne sevent seul venir :
Tout ce m’estoit à avenir
S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si près tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé ;
Il ne furent pas bien semé[3],
Si sont failli.
Itel ami m’ont mal bailli,
C’onques tant com Diex m’assailli
En maint costé