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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Tu doiz ton cors tout chier tenir,
Et si te doiz si contenir
Que joine et viel, petit et grant
De toi servir soient engrant.

Théophillus le infer[1] croit
Qui nulle nuit ne se recroit
Que conseiller ne viengne à lui ;
Théophillus ne croit nului
Fors le larron qui tot l’enchante,
Téophillus ne list ne chante,
Téophillus n’entre en esclisse,
Téophillus ne fet servise
Ne chose nule qui Diex plese ;
Téophillus aime plus aisse,
Richeces, honor et seingnorie
Que ma dame seinte Marie,
Que tant soloit devant amer.
Téophillus pérille en mer,
Téophillus desve et forvoie,
Téophillus afonde et noie,
Téophillus a cuer de fer,
Téophillus droit en anfer
[2]S’enfuit le trot et les granz sauz,
Saint Martin lait et prent le sauz[3].
Théophillus lait Jesu-Crist
Et sa mère por Antecrist ;
Téophillus a tant mesfet,
Se Nostre-Dame ne le fet,
Que nul jor mès n’aura merci.
Bien doit avoir le cuer noirci
Quant pour un pou d’avor terrestre
A renoié le Roi célestre
Et au maufez vendue s’âme.
Ainz n’eurent mès si fier vidame,
Ce dient tuit par la cité ;
Si l’ont le déable escité
Et mis el cuer si grant orgueil
Qu’à peinnes daingne torner l’ueil
Ne regarder vers povre gent.

  1. Ms. 2710. Var. Giu, le juif.
  2. Mss. 7987, 2710. Var. El fu d’infer.
  3. Ms. 7987. Var. Et laist ce dont il fust tous saus.