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ADDITIONS.

Et si ne garde que il nomme ;
Mains mauvès mot, mainte frivole
Plus tost de la bouche li vole :
Après, si dort plus qu’à droit somme.

Guersoi ne seut pas estre en France,
Mès or m’est avis qu’il s’avance :
Par tans sera par tout le règne.
Mesure est morte et atrempance :
Chascuns n’entent que metre en pance ;
Gloutonie si vit et règne.
Guersoi si samble jeu de raine[1]
Qui toz jors boit et jà n’ert plaine,
Mès toz jors plus avant se lance,
Hanas sont mès en trop grant paine,
Et chascuns de vuidier se paine :
Toz jors est le vin en balance.

Cil est cortois et honorable
Qui se débat et joue et bale
Por esbaudir la compaignie
Et boit à toz cels de la table
Tant qu’il ait vuidié sa vessie.
C’est mauvès geus que gloutenie :
Nus n’en devroit avoir envie,
Quar cest siècle n’est pas estable ;
Je di qu’il a non Fols-s’i-fie[2] :

  1. Raine, grenouille ; rana. Allusion à la fable de la grenouille qui se grossit.
  2. Cette expression, employée dans le sens que lui donne ici le trouvère, est assez fréquente dans les poésies du 13e siècle. On lit dans Le Dit de Fortune, par Moniot, où, soit dit passant, se trouve ce vers pillé plus tard par Villon :

    Bientost porra sa goule savoir que son cul poise,

    on lit, dis-je, la strophe suivante :

    Ainsi est de Fortune, seignor, je le vous afie,
    Ne porquant n’a Fortune ne cors, ne cuer, ne fie.
    Je li donrai .i. non, bien droit à ceste fie :
    Si le nommera l’en de par moi fols-s’y-fie.