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ADDITIONS.

Mès vin qui est pris à mesure
Si est léece, et asséure
Cuer d’omme, et si en puet plus vivre[1].

L’en doit bien povre homme escuser
Se il est covoiteus d’user
Plenté de vin et de vitaille ;
L’en ne doit pas por soi ruser
Le bon morsel ne refuser,
Se il trueve que l’en li baille ;
Quar il languist de fain et bâille
Au soleil sus .i. poi de paille :
Iluec puet atendre et muser ;
Mès qui a du bien tout à taille
Et en prent plus qu’il ne l’en faille,
Cel doit-on d’outrage acuser.

Por qoi s’efforce de vin prendre
Riche homme qui bien puet atendre
Qu’il en aura assez à l’eure ?
S’il séust à bien fère entendre,
Miex l’en venist plain hanap tendre
Au chétif povre qui langueure ;
Et il en boit tant qu’il s’anqure
Et ne set mot qu’à li anqure
La mort, qui le fera estendre.
L’âme n’aura qui le seuqure,
Et li cors qui les biens deveure
Si sera converti en cendre.

Mauvès samblant d’amors me moustre
Cil qui m’efforce que j’acoutre
Tant de vin en mon ventre et boute,
Se le hanap ne boi tout outre ;
Ainz m’en vendra mon sain d’escoutre

  1. Ce sont presque ces paroles de l’Écriture : Bonum vinum lætificat cor hominis.