Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieil homme et heureux d’avoir dépouillé le fardeau d’iniquités et d’erreurs. J’ai abandonné jusqu’au nom du misérable que je fus et, dans ma vie nouvelle, je m’appelle Pierre, comme le plus grand des apôtres du Christ.


épictète

Qu’est-ce que Théophile a pu te dire de plus que nous ?


pierre

Tu me promettais le bonheur ici-bas. Comme la joie que je possédais, ton souverain bien s’arrêtait aux limites de ma vie. Et le bonheur que tu affirmais, par orgueil et par envie, non pour rendre témoignage à la vérité, était pauvre, sans or, sans éclat, sans jouissances. Ah ! le ridicule bonheur, et inconcevable : un malheur plutôt que tu décores arbitrairement d’un nom immérité. Mais lui, si tu savais ce qu’il m’a promis. Ô l’éblouissement de mes yeux ! J’entrerai par la mort dans un bonheur royal et éternel. Je serai plus riche que César, plus puissant que César ; je porterai sur la tête une couronne d’or vivant et de gemmes vivantes. Chacun des plaisirs médiocres auxquels je renonce, me sera rendu centuplé. Ô l’intensité des voluptés célestes. Ô abîme de joie que ma langue ne saurait célébrer, dans lequel se fond et se disperse mon imagination éperdue. Et cette joie, infinie de violence douce, cette joie, dont la seule prescience me fait trembler plus qu’un premier amour, sera infinie en durée. Je serai un Dieu qui jouit, non point pendant l’espace étroit d’une vie terrestre, mais pendant une vie — entendez-vous ? — qui ne s’achèvera jamais. J’avais un seul désir, multiplier mes richesses et mes voluptés : mon Dieu les multipliera au-delà de ce qu’on peut concevoir. J’avais une seule crainte, la mort qui m’arracherait tout. Voici que c’est elle, la mort bienfaisante, qui me donnera tout. Ma crainte est devenue mon espérance. Derrière la porte ténébreuse et immobile qui me faisait reculer, j’aperçois la lumière infiniment