Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/93

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fous, des ivrognes ou des enfants. Ces gens sont fous de fureur ; ces gens sont des enfants lâches et cruels qui, dès qu’ils se voient nombreux, recherchent la joie de torturer et de tuer ; ces gens ont bu le plus capiteux des vins, le désir du meurtre. Si tu les excites, ces êtres sans raison, c’est toi qui es coupable des actes que tu leur fais faire. Ne sois pas le gymnosophiste qui allume son bûcher et qui se glorifie de mourir. Tais-toi, Théophile. Un seul mot de toi, et l’incendie devient irrésistible. Mais c’est toi qui seras coupable de ta mort. Ces hommes ne sont pas plus responsables que le bois du gymnosophiste, ou le glaive que Néron appuya sur sa poitrine, ou le poison bu par Hannibal. Ta mort, — entends-tu, chrétien ? — serait un suicide et, si je suis bien informé, le dieu des chrétiens défend le suicide.


théophile

Oui, le vrai Dieu interdit de quitter son poste et je ne vois plus clair…


arrien

Dans le doute, abstiens-toi. L’homme qui court dans l’obscurité désire tomber.


théophile

Je m’abstiendrai de provoquer ces hommes. Mais je ne fuirai pas. Ils diraient que je suis moins brave qu’Épictète et que la religion est inférieure à la philosophie.


historicus

Nous ne te demandons pas une lâcheté ; nous te demandons d’éviter une folie. Reste avec nous en silence. C’est tout. S’il le faut, nous mourrons avec toi.


théophile

Seigneur, accorde-moi la grâce de mourir et de mourir avec ces hommes nobles qui sont dignes de te connaître. Ainsi ils