Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/13

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Stalagmus. — Dieu méchant ! Dieu cruel !

Sostrata. — Hier encore, tu nous consolais.

Stalagmus. — Hier, j’étais au milieu de vous comme, parmi les aveugles, un voyant immobile.

Tyndare. — Que signifient ces paroles ?

Stalagmus. — Je voyais le ciel s’appuyer sur la montagne. C’est pourquoi je disais : « Marchons vers la montagne et vers le ciel. »

Tous. — Oh ! dis-le encore.

Stalagmus. — Hélas ! j’ai marché. Ma pensée a monté sur le sommet. Le ciel n’y était pas.

Géta. — Je sais. L’horizon et l’espoir reculent à mesure qu’on avance.

Agnès. — Ecoutez les chrétiens. Venez avec nous. Nous savons le chemin où le ciel ne recule plus.

Sostrata. — Parle donc, ô chrétienne !

Plusieurs. — Parle, parle, ô chrétienne !

Agnès. — Les hommes sont frères. Dieu - mais il ne s’appelle point Jupiter - est le père de tous. Il aime également ses fils et il les veut égaux. Il ne veut pas qu’il y ait parmi nous des maîtres et des esclaves.

Tyndare. — Alors, pourquoi y en a-t-il ?

Agnès. — Parce que nous n’aimons pas Dieu ; parce que nous ne nous aimons pas les uns les autres.

Géta. — Mais puisque l’amour est un vase d’or où sifflent les serpents de la haine ?…

Agnès. — Pas l’amour des chrétiens. Et notre Dieu donnera des joies infinies et éternelles à ceux qui souffrent et qui croient en lui.

Plusieurs. — Parle, parle, Agnès.

Agnès (d’un ton plus extatique). — Mais il livrera à d’éternelles et infinies tortures les méchants et tous ceux qui jouissent dans ce monde.

Géta. — Tu vois bien qu’il y a de la haine dans ton amour.

Tyndare. — Les puissants et les heureux sont les favoris des dieux.