Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/9

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Stalagmus. — Rien n’est plus simple. Tu es trop beau. Elle te hait parce qu’elle t’aime.

Palinurus. — Tu parles follement. La haine est le contraire de l’amour.

Stalagmus. — L’ombre, contraire de la lumière, est pourtant fille de la lumière.

Palinurus. — Que dis-tu ?

Stalagmus. — Mets un corps devant la lumière, tu fais de l’ombre. Mets un obstacle devant l’amour, tu fais de la haine.

Palinurus (haussant les épaules). — Tu dis des paroles vides.

Géta. — Non. Stalagmus a raison. Je le sais. Je le vois. Je le sens. Ce qui s’agite en mon cœur me dit ce qui s’agite au cœur d’Emilia.

Tyndare. — Orgueilleux ! Tu te crois aimé de celle qu’aime le maître.

Géta (découvrant son torse). — Le maître est-il aussi beau que moi ?

Tyndare. — Il est le maître.

Géta. — Le maître, dis-tu ?… A cause de sa laideur, à cause de la faiblesse de son corps et de son âme, n’est-il pas plutôt l’esclave d’Emilia ? Mais il faudrait peu de chose pour qu’Emilia devînt l’esclave de ma force et de ma beauté.

Tyndare. — En attendant, elle te fait donner le fouet.

Géta. — Oui. Mais un jour - demain peut-être ! — elle ne résistera plus à son désir. Sous mon baiser, je la verrai s’agiter d’abord comme sous le baiser d’un dieu, ensuite comme sous le baiser de la mort.

Tyndare. — Tu parles trop haut… S’il y avait parmi nous un délateur…

Voix diverses. — Il n’y en a pas. Parle sans crainte.

Palinurus. — Nous détestons tous Emilia.

Tyndare. — Tu vois que Géta est amoureux d’elle.

Stalagmus. — L’un n’empêche pas l’autre.

Géta (répétant d’une voix profonde). — L’un n’empêche pas l’autre.