Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/127

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sociales et ne regardaient pas les mouvements de leurs mains, si souvent hostiles et haïssables. Mais Sully-Prudhomme est timide d’esprit presque autant que de caractère. Dans une préface accordée à je ne sais plus quel volume de vers socialistes, il regrette que l’auteur n’ait pas chanté le patron comme l’ouvrier, n’ait pas magnifié « l’héroïsme de travail » du patron et pleuré sur les « heures d’angoisses » du patron. Oh ! l’aimable M. Sully-Prudhomme ne veut se brouiller avec personne et, s’il osa un jour exprimer des haines vigoureuses, ce fut contre un poète déjà mort. Sa vie, hélas ! est moins belle et plus banale que son âme : il a subi passivement tous les honneurs conventionnels, ceux-là même qui peuvent entraîner les faibles à des compromissions et à des hontes ; il n’a aucune force de résistance et nous avons eu la douleur de voir cet homme, en qui pourtant vit quelque noblesse, manquer un jour de courage civique.

Séduit par son charme timide, par ses douleurs presque vaillantes et par ses tremblantes inquiétudes vers le vrai, l’avenir oubliera ses défaillances. On se rappellera seulement quelques pièces exquises où le langage, la prosodie, la pensée et l’image forment harmonie. Il sera