Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/132

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une attitude accablée et, parfois, des regards en haut douloureusement timides, comme des prières vers quelqu’un qui n’est peut-être pas là. Puis l’ombre, laissant presque tomber sa ligne vaine, tord ses bras inanes, et elle crie, — avec aussi peu de bruit qu’en un cauchemar : « Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où tout à coup retentit en moi comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Ma foi se meurt ! ma foi est morte ! »

— Eh ! dit le démiurge, les morts ressusciteront.

L’ombre eut un sursaut d’espoir. Mais elle retomba plus écrasée, murmurant :

— L’eau du fleuve ne remonte pas vers sa source.

— Tu n’as donc jamais vu le vol des nuages compléter le rampement du fleuve ?

L’ombre n’avait pas entendu, car elle répétait avec complaisance sa banale pensée :

— La courbe d’une destinée est une hyperbole.

— Ta destinée sera une courbe fermée. Viens l’achever.

L’ombre suivit le démiurge. Ils arrivèrent à un fleuve lourd. Et le fantôme, branlant la tête, déclara :