Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/196

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de la pitié, vers la foule. Ils lui diront le nouvel évangile et que l’heure est enfin sonnée où doit régner la religion de la joie.

La foule ne comprend pas ; elle s’irrite. Et des pierres blessent le poète ; et des pierres blessent la femme. Il regrette de n’être point seul. Mais elle le console. Elle sent qu’elle va devenir mère et elle affirme que les prochaines aurores seront belles, et belles les prochaines destinées… Cependant, à l’écart, la foule des esclaves délibère sur le sort du poète et décide qu’il sera crucifié.

Le troisième chant nous ramène sur cette colline, devant ce calvaire où le poète releva la femme et lui fit partager son illusion de bonheur. Le soleil se lève et toute la nature chante à celui qui va mourir un hymne de vie. Qu’importe la mort d’une forme passagère, songe-t-il, dans la vie éternelle et éternellement renouvelée ? Et le condamné fait sa partie dans le concert des joies. Mais la femme se lamente, dit que leur pitié eut tort et qu’ils auraient dû s’isoler dans leur amour heureux. Elle pleure, elle crie à la foule des injures et des malédictions. Chaque fois qu’un juste vient, comme Jésus de Nazareth, essayer de faire du bien, la foule le met