Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/269

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timide ; il bégayait, et sa langue déformait les r et les c, de sorte qu’il prétendait s’appeler Latan. Il désirait surtout deux bonheurs : la gloire militaire et la grande passion partagée. Plus d’une fois, plein d’espoir, il partit en guerre ; toujours la destinée taquine lui refusa l’occasion de combattre. Il aima avec constance, et sa passion pour Arthénice (Catherine de Termes) dura dix années ; toujours il tomba sur des coquettes qui se jouèrent de sa naïveté. Parce qu’il ne réussissait pas à la cour, il aima la campagne ; parce que l’amour le fuyait, il aima la famille ; parce qu’il ne pouvait être un brillant capitaine, il fut un poète. Mais tous ces pis-aller, il les embrassa avec une indolence nostalgique. Le sort lui refusa les rôles éclatants et, comme il n’était pas un caractère, il se réfugia, à demi-satisfait, dans les consolations douces. Il n’avait pas la force qui s’exaspère en révolte ou se raidit en stoïcisme ; les déceptions multipliées le conduisirent à un aimable épicurisme lassé. Son accent résigné le rend sympathique et on goûte encore ses Stances sur la retraite. Ces quatre-vingt-dix vers enferment en leur mélodie toute son âme et toute son histoire : ils laissent entendre ses aspira-