Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/290

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tique. Camille Mauclair est le disciple rare qui ne demande qu’à se donner. Sous les grâces indécises de son style on sent une pauvre âme flottante, mais avide de fixité belle et qui, si elle rencontrait dans le maître une lueur de divinité, dans le dogme un rayon d’amour, s’attacherait indéfectiblement au dogme et au maître, serait fidèle jusqu’au martyre, je dis jusqu’à la joie du martyre. Ah ! si Jésus venait à passer sur la route déserte, avec quel bonheur on jetterait derrière soi tout ce qui fait le bonheur pour la foule, en quelle extase on suivrait Celui qui serait la voie et la vie, et comme on laisserait indifférent les morts ensevelir les morts…

Hélas ! on n’a pas rencontré Jésus, l’âme blonde, l’âme d’amour ; on a rencontré une âme de stoïcisme, de dédain et de silence, un Zenon hégélien, Stéphane Mallarmé. On s’est donné, presque malgré lui, à ce maître qui ne voulait pas de disciples ; qui était fier d’esprit au lieu d’être doux et humble de cœur ; qui, loin de prêcher l’amour aux poses abandonnées, vantait l’individualisme et l’effort de se tenir debout. Il est mort, et on reste fidèle à sa personne. Mais on reconnaît son esthétique