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bute par l’histoire d’un amour brutal, sorte de mélo psychologique. Gâté par les agaçantes roublardises du conteur, il réussit encore à nous secouer d’une émotion grossière, pas artistique, à nous secouer cependant. Et puis, figurez-vous qu’on rencontre, au courant du volume, une idée. Peut-être Mendès l’a volée et maquillée, cette idée ; mais je ne l’ai pas reconnue. Il imagine un peintre qui cessa de peindre pour une raison noble et subtile : la couleur, pense ce pauvre homme, est dans l’univers en quantité limitée ; celle qu’on perd à fabriquer de l’artificiel, on la vole à la nature que nos larcins condamnent à créer une vie plus pâle. Ne l’avez-vous pas remarqué, en effet ? depuis que salons et expositions se multiplient, nous n’avons plus de belle saison. Et ce nous est un grief supplémentaire contre Bouguereau, qui ne vole pourtant pas beaucoup de couleur à la nature appauvrie. Le petit fou que nous présente Mendès n’ose pas non plus, le soir venu, allumer sa lampe : il craint trop de diminuer les rayons du jour. Je trouve cette conception exquise. Certes, le récit est agaçant de mièvreries, de puérilités séniles, d’habiletés bêtes. Tant qu’on lit, on est furieux contre l’auteur qui gâte une