Page:Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, série 2, tome 6.djvu/203

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tion. Mais la valeur du travail d’où vient-elle donc ? Et comment se fait-il que le travail vaille quelque chose ? Telle est la question que les économistes anglais n’ont pas encore résolue, qu’ils n’ont pas même posée, et qui n’en existe pas moins malgré leur négligence. Il y a donc évidemment une lacune dans leur système ; leur théorie repose sur une pétition de principe.

Je n’ignore pas, il est vrai, que les économistes ne sont pas d’accord entre eux sur la nature et sur le nombre des services productifs, sur le sens qu’il faut donner au mot production, et à l’idée dont il est le signe. Il y a plusieurs auteurs qui ne voient autre chose dans ce phénomène que la création de la richesse sociale par le moyen du travail et de l’industrie humaine, et tel est le système que j’ai combattu jusqu’à présent. J.-B. Say, à qui il faut rendre cette justice, qu’il s’est constamment efforcé de perfectionner sa doctrine, ou pour mieux dire, celle d’Adam Smith sur la production, J.-B. Say s’est fait de ce phénomène une idée plus large, moins incomplète, et par cela même moins fautive à certains égards. J.-B. Say n’admet pas comme Ricardo, comme Mac Culloch, que le travail soit la seule source de la richesse sociale, la seule origine de l’utilité et de la valeur. Les industriels, selon lui, ne sont pas les seuls producteurs. J.-B. Say décerne aussi ce titre honorable et flatteur aux capitalistes et aux propriétaires fonciers. Je n’ai point à me prononcer ici sur le fond de cette doctrine, considérée dans son ensemble et dans ses résultats. Je dois me contenter de faire remarquer que, lorsque J.-B. Say parle des frais de production ou des services productifs, il n’entend pas désigner seulement par là le travail des industriels, qui sont suivant lui, les ouvriers, les entrepreneurs et les savants. La création de l’utilité et de la valeur, qui en est la suite, est due, d’après J.-B. Say, au triple concours de l’industrie des terres et des capitaux. Ainsi, dans le système de cet auteur, les services productifs