Page:Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, série 2, tome 6.djvu/209

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première observation suffit pour infirmer la doctrine de M. Mac-Culloch.

Je n’ignore pas, il est vrai, que M. Mac-Culloch distingue l’utilité directe et immédiate de l’utilité médiate et indirecte. Son opinion est que la production est la source unique de l’utilité directe, et qu’avant l’intervention du travail, l’utilité directe n’existe point. Je pourrais d’abord lui contester cette première assertion. Je pourrais lui citer des choses qui ont une utilité directe avant qu’aucune espèce de travail ne s’y soit appliquée. La chose ne serait peut-être pas très difficile. Mais je veux bien passer sur cette première difficulté. J’admets que l’utilité directe soit toujours le fruit du travail. M. Mac-Culloch croit-il sérieusement que l’utilité directe soit la seule qui puisse jouir d’une valeur échangeable ? Croit-il que les choses qui peuvent nous servir immédiatement soient les seules choses valables ? J’avoue que, pour mon compte, je suis bien éloigné de penser de même. Sans doute, je ne prétends pas confondre l’utilité directe et l’utilité indirecte, j’ai déjà tenu compte de cette distinction. Mais je regarderai toujours comme une grande erreur de croire que l’utilité directe soit la seule qui ait de la valeur et que l’utilité indirecte ne vaille jamais rien. Il y a des utilités indirectes qui ont de la valeur, et ce second fait bien constaté, suffit encore pour renverser la théorie de M. Mac-Culloch.

Il est si vrai que l’utilité indirecte suffit pour donner de la valeur aux choses, pour motiver le prix qu’on en donne ou qu’on en reçoit, qu’il suffit d’un sentiment vague ou d’une présomption quelconque d’utilité, pour donner de la valeur à certains objets. Si nous venons à découvrir un objet qui ne nous paraisse d’abord propre à aucun usage, mais que nous puissions juger être susceptible de nous servir par la suite, d’une manière quelconque, et dans une circonstance quelconque, nous le regarderons dès lors comme une chose précieuse, et nous sommes disposés à ne le céder à personne,