Page:Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/66

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Il dit ensuite à sa fille :

— Voici les clefs de tous mes trésors qui vous appartiendront.

Il mourut quelques instants après, et la vieille dame dit à sa fille :

— Je vous fais présent de tous mes secrets, car je vais suivre votre père ; voici ma baguette et une petite bouteille, n’oubliez jamais de la porter avec vous, car elle guérit de toutes les blessures, et je sais que vous allez suivre l’armée. Emportez aussi la baguette, et, quand vous quitterez le château, laissez-le à la garde des vieux serviteurs.

Quand le père et la mère de Fleur du Rocher eurent été enterrés, Jean Cate lui dit :

— Si tu voulais, nous irions au grand air : on sait bien qu’il y a une Houle ici ; si les soldats m’y trouvaient, je passerais en conseil de guerre comme déserteur, et je serais fusillé.

Sa femme lui répondait :

— Ils ne viendront pas ; j’ai du bien ici plus que tu n’en peux désirer ; pourquoi veux-tu courir les aventures ?

Mais Jean Cate avait envie d’éprouver son épée, et sa femme finit par consentir à quitter la Houle ; ils laissèrent le château sous la garde des deux serviteurs si vieux, et ils dirent que si l’un venait à mourir, il faudrait le remplacer, et que, s’ils ne revenaient pas, le château serait pour eux.

Voilà Jean Cate qui part avec sa femme pour revenir à l’entrée de la Houle ; et il rejoignit son poste au fort de la Corbière. Il croyait être resté cinq ou six jours absent : mais il était parti depuis dix-huit mois, et quand il revint, on le mit en prison. Sa femme, qui était enceinte, alla demeurer dans une maison en dehors du fort, et son mari lui avait défendu de se servir de sa baguette, parce qu’il voulait auparavant montrer le pouvoir de son épée.