Poète, romancière, femme légère et quelque peu aventurière, Mme de Villedieu est une haute figure pittoresque. Quelques-uns de ses écrits en prose ne sont pas sans mérite ; on jugera de ses vers ! Mais, ce qu’il y a de plus intéressant chez elle, c’est elle-même et son extraordinaire vie d’aventures. Par malheur, il faut être bref. Nous ne pouvons indiquer ici que les grandes lignes… et, précisément, ce sont les détails qu’il faudrait connaître.
Marie-Catherine-Hortense Des Jardins, naquit à Alençon en 1631, — il est probable. Son père, Guillaume des Jardins, était avocat au Parlement, et sa mère, Catherine Ferrand, était femme de chambre chez la duchesse Anne de Rohan-Montbazon. Catherine fut élevée à la diable, instruite on ne sait par qui, ni comment. Voiture qui la vit toute fillette, dit : « Ce sera une femme d’esprit, mais une folle ! » L’avenir se chargea de lui donner raison.
Des preuves d’esprit, elle en donna de très bonne heure en écrivant des vers et un roman ; des preuves de folie, elle ne tarda guère plus à en donner… en collaboration avec un sien cousin. Elle avait alors dix-neuf ans. Le résultat de cette première aventure sentimentale fut un beau garçon que Catherine vint mettre au monde à Paris. L’enfant, d’ailleurs, ne vécut que six semaines.
Une fois remise de ses émotions, la jeune Des Jardins, songea à faire son chemin dans la vie. Grâce à la duchesse de Montbazon, sa protectrice, la porte des salons littéraires et des ruelles s’ouvrit devant elle. Elle n’était point jolie mais elle plaisait. N’a-t-elle pas tracé elle-même ce portrait, assez peu flatté : « J’ai la physionomie heureuse et spirituelle, les yeux noirs et petits, mais pleins de feu ; la bouche grande, mais d’assez belles dents ; le teint aussi beau que peut l’être un reste de petite vérole maligne ; le tour du visage ovale, mais j’ose dire que j’aurais bien plus d’avantage à montrer mon âme que mon corps. » L’ironique Tallemant des Réaux est plus brutal : « La petite vérole, écrit-il, n’a pas contribué à la faire belle : hors la taille, elle n’a rien d’agréable, et, à tout prendre, elle est laide. D’ailleurs, à sa mine, vous ne jugeriez jamais qu’elle fût bien sage. » Eh ! qui sait, cette mine fut peut-être pour beaucoup dans les succès de la jeune poétesse ? ! Car Catherine Des Jardins, se souvenant de ses premiers débuts littéraires à Alençon, a repris la plume. On dit bien qu’elle se fit aider plus d’une fois par l’abbé d’Aubignac, et par le chevalier du Buisson, mais, alors, ces sortes d’opérations étaient courantes. Au surplus, il faut le dire, bien que nombre de ses ouvrages lui soient contestés, Mlle Des Jardins ne manquait point de moyens !
Pour suivre un amant, elle quitte Paris et court la province. Des hommages multipliés l’y accueillirent. Sa politesse, son air galant, son esprit, ses façons parisiennes la désignaient aux préférences des hobereaux. Les précieuses provinciales applaudirent l’harmonie de son vers et sa science à choisir les thèmes romanesques. Elle souleva des passions, sema des jalousies et des larmes. Elle savoura l’anxiété des attentes, l’âpre terreur