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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/135

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Mlle DE LA VIGNE




Cette demoiselle avait la réputation d’être une des plus savantes et des plus spirituelles filles de son temps. Née à Vernon, en Normandie, elle était fille d’un médecin du roi. Elle ne semble pas avoir été gâtée par la nature quant au physique. Son père avait coutume de dire à son propos : « Quand j’ai fait ma fille, je pensais faire mon fils, et quand j’ai fait mon fils, je pensais faire ma fille. » Si l’on se contente de cette explication, ou ne s’étonnera plus que Mlle de la Vigne ait eu une voix d’homme et un corps de garçon ! — D’un esprit très réfléchi, elle prenait beaucoup de goût à la philosophie et surtout à la poésie. Elle faisait d’ailleurs si facilement les vers qu’il semblait « qu’elle était allaitée par les Muses en personne ».

Elle entretint de bonnes relations d’amitié avec les meilleurs poètes de son époque entre autres Étienne Pavillon, rimeur aimable et philosophe délicat qui lui dédia un jour une assez jolie pièce : Lettre d’Outre-Tombe, à laquelle Mlle de la Vigne répondit par une autre poésie que nous reproduisons ici

[1].

Mlle de la Vigne dont on ignore la date de naissance, mourut de la pierre, dans la fleur de son âge, en 1684.

Les poésies de Mlle de la Vigne ont été rassemblées dans le recueil de Vers choisis du P. Bouhours, Paris, 1643, in-12. — Une ode à Mlle de Scudéry, pour la féliciter du prix d’éloquence qu’elle remporta à l’Académie Française, fut imprimée par les soins de Pellisson, avec la réponse de Mlle de Scudéry, à la suite de son Histoire de l’Académie Française, éd. de 1672.

  1. Voici d’autre part, la pièce d’Étienne Pavillon dédiée à Mlle de la Vigne.
    LETTRE D’OUTRE-TOMBE



    Vers les bords du fleuve fatal
    Qui porte les morts sur son onde
    Et qui roule son noir cristal
    Sur les plaines de l’autre monde.

    Dans une forêt de cyprès
    Sont des routes tristes et sombres
    Que la Nature a fait exprès
    Pour la promenade des ombres.

    Là, malgré la rigueur du sort,
    Les amants se content fleurettes
    Et font revivre après la mort
    Leurs amours et leurs amourettes.

    Là, défunts Messieurs les abbés
    Avecque leurs discrètes flammes
    Allaient dans des lieux dérobés
    Cajoler quelques belles âmes.