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MADAME CATULLE MENDÈS 197

Orné de vert feuillage et de fleurs de grenade, Le mur a retrouvé son instant éternel, Et le glaïeul campé, élancé, solennel, Est un adolesoeat donnant la sérénade ; Les roses sont un cœur que vous avez touché, Un cœur de femme aimant ses blessures ouvertes ; L'arbre retient le vent de toutes ses mains vertes Comme le souffle cher d'un visage penché. Amour, tout vous pressent. Amour, tout vous évoque, Je pense à Lespinasse, à la belle Aïssé, Au grand destin d'Yseult qu'on n'a pas surpassé, A ce qui vous détient, à ce qui vous provoque. Surtout je songe aux temps où vous saviez charmer, Briser, martyriser ma douceur violente. Amour, que je suis calme, égale, nonchalante ; Que vous ai-je donc fait pour ne plus vous aimer? Impétueux, léger, dominant les fleurs fraîches, Mon bel enfant, mon petit dieu, mon jeane roi. Hélas ! mon adoré, sans avoir peur de toi, Je touche ton front clair, tes cheveux et tes flèches. Mes yeux ne craignent pas tes regards résolus. Toi-même tu n'as l'air que d'un enfant qui joue Et c'est en souriant que tu baises ma joue, Que vous ai-je donc fait que vous ne m'aimez plus? Souveraine et sujette et servante prêtresse, Toi qui m'avais choisie afin de te choisir, Amour n'étais-je pas ta grâce et ton désir, maître, et que peux-tu faire sans ta maîtresse ? Avant de te donner tout ce que tu me prends. Et pour t'offrir aussi l'âme des belles choses, J'essayais ma langueur sur la fierté des roses Et mes doigts en gardaient les parfums délirants. Amour par qui j'ai su ces heures torturées Où magnifiquement on croit qu'on va mourir, Que vous ai-je donc fait pour ne plus en souffrir Quand tombent dans la nuit ces heures déchirées?