On verra, par la lecture des poésies reproduites dans le présent ouvrage, que Mme de Saint-Point met aisément d’accord son œuvre avec ses théories. Le sentiment et la sensation intime, c’est bien ce qui domine dans ses vers. Pour ce qui est « d’une plus grande liberté de rythmes », Il est certain que Mme de Saint-Point use largement de cette liberté — mais je n’oserai assurer que cela soit toujours profitable à ses poèmes. Pour tout dire, je ne suis jamais sans crainte lorsque j’entends une femme parler de prendre de plus grandes libertés. Je ne suis pas sans crainte, parce que je commence à bien connaître les œuvres féminines, je sais que par la propre exagération de leur nature, les femmes ne manquent pas d’élargir les règles alors même qu’elles ne songent pas à s’en affranchir. Mais qu’elles osent parler de faire ces règles plus souples, plus larges, plus adéquates à « l’inflexion de la pensée et de l’élan lyrique > — je crois n’avoir pas tort tout à fait de me défier. — Alors qu’avec des barrières strictes elles n’ont su garder aucune mesure, aucun sentiment exact du bon goût, si cher à Voltaire ; alors qu’elles ont été incapables de se restreindre, de condenser leur pensée, dans une forme brève et patiemment travaillée, qu’adviendra-t-il "lorsqu’elles s’affranchiront des obstacles qui retenaient tant bien que mal leur débordement de lyrisme. — Ce qu’il adviendra ? Les poèmes de Mme Valentine de Saint-Point sont là qui répondent. Jamais on ne vit galop plus infernal de mots et d’idées, c’est une vraie bourrasque littéraire, un chaos extraordinaire avec ses hauts et ses bas, ses gouffres et ses sommets, une invraisemblable anarchie où le mal se mêle avec le bien, la joie avec la douleur, la vie avec la mort et l’amour:un brasier inouï où se tordent toutes les passions. Un critique qui lui est tout acquis parle d’elle en ces termes; « On la dirait, en face du soleil, en face de la mer, à l’attouchement des moindres spectacles, brûlée de la flamme d’un sacerdoce:son cœur râle, ses nerfs se crispent, elle ne peut plus peindre son émotion, elle ne peut que la vociférer en des bonds d’adoration, avec des contractions et des stupeurs. » — Ces vociférations sont pleines de vers expressifs, chauds, colorés, bruyants; elles ne donnent pas toujours d’ailleurs l’impression de puissance et de force que leur souhaita donner leur auteur. C’est que Mme Valentine de Saint-Point — et cela est éminemment femme — confond trop souvent la violence avec la force. Il manque à ses poèmes, pour être vraiment très beaux, — très complètement beaux — très grands, très puissants, — il leur manque l’ordonnance, la concision, la clarté, l’effort sans lequel l’œuvre d’art ne peut être parfaite. Mme de Saint— Point se fie trop à sa seule inspiration, elle se laisse trop emporter par elle. Il faut d’ailleurs reconnaître que cette inspiration est admirablement féconde, large, vibrante et sincère.
BIBLIOGRAPHIE. — POÉSIE. — Poèmes de la mer et du soleil, Vanier-Messein, Paris, 1905, in-18. — Poèmes d’orgueil, Editions de l'Abbaye, Paris, 1908, ia-18. — Prose : Trilogie de l’Amour et de la Mort : I. Un Amour, Paris, 1906, in-18 ; II. Un Inceste, Paris, 1907, in-18.
COLLABORATION. — La Plume. — Le Siècle. — L’Europe artiste. — La Rénovation Esthétique. — La Grande Revue. — La Nouvelle Revue. — Gil Blas. — Revue des Lettres. — La Phalange. — L’Auto. — Poésie. — L’Italie et la France. — Vita Litteraria (Rome), — Figaro.