Provins n’aime pas rien que l’amour dans l’homme, elle aime encore sa force et aussi sa beauté.
N’écrit-elle pas :
« J’ai regardé ton corps debout, simple et altier comme un pilier d’ivoire, ambré comme un rayon de miel ».
Et ceci encore :
« Tandis que tu reposais sur mon bras tendu pour te soutenir, j’ai senti contre ma hanche un marbre superbe.
« J’en ai suivi la ligne impeccable avec une étrange émotion ; j’ai douté de ta vie, car malgré les battements qui la révélaient, blanche vision revenue de l’âge d’or jusqu’à mes yeux fascinés, tu étais la statue héroïque étendue près de moi, si noble dans son calme absolu, si grande, quoique désarmée, si pure dans son entière perfection. »
Ce sont là des sensations de peintre ou de sculpteur.
Ce sens de la plastique, Mme Burnat-Provins le tient évidemment de l’éducation artistique qu’elle a reçue. — Elle a pu écrire ainsi quelques pièces d’un accent très neuf et très original en même temps qu’elle faisait vraiment œuvre de femme. Car lorsqu’elle chante l’harmonie du corps de l’homme, c’est avec des mots que seule une femme pouvait trouver, car elle est frappée de beautés caractéristiques que seule une femme pouvait distinguer de suite, parce qu’elles sont à l’opposé de sa grâce et de sa faiblesse — et parce qu’elle en est heureusement séduite.
De même, il y a toute la femme dans sa passion frénétique, dans sa soumission à l’être aimé, dans sa passivité heureuse, dans son plaisir à se sentir protégée, dominée, conquise. « Je suis ta chose », écrit-elle.
« Oh ! être dans tes mains comme une chose toute petite que tu emporterais partout. »
Ces mêmes mots qui, dits par un homme, seraient presque dégradants, ont la valeur d’une suprême caresse d’amoureuse.
Il n’y a pas dans toute notre littérature un livre semblable au Livre pour toi. Aussi bien, fallait-il arriver à nos jours pour qu’une femme ait la belle et sincère audace d’écrire un pareil poème d’ardente passion. C’est un signe des temps.
Nous vivons à une époque où la femme ne rougit plus de ses sentiments
si secrets soient-ils. Au contraire, elle se plaît à nous les révéler ;
toutes ou presque toutes les poétesses contemporaines sont entrées
dans cette voie. Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai, j’ai toujours souhaité
que les femmes de lettres mettent dans leurs écrits plus de franchise,
de sincérité… et moins de fausse pudeur. Mais il me sera bien permis de
penser que toute l’évolution morale et sociale de la femme tient dans
cette évolution sentimentale qui s’exprime si clairement par la voix des
poètes féminins.
BIBLIOGRAPHIE. — Petits tableaux Valaisans, illustrations de l’auteur, Saüberlin et Pfeiffer, Vevey (Suisse), 1903. — Heures d’automne, illustrations de l’auteur, Saüberlin et Pfeiffer, Vevey. — Chansons rustiques, illustrations de l’auteur, Saüberlin et Pfeiffer, Vevey. — Le chant du Verdier, illustrations de l’auteur, Saüberlin et Pfeiffer, Vevey. — Le livre pour toi, Sansot et Cie, Paris, 1907. In-8° carré.