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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/62

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LES MUSES FRANÇAISES


Des rivières suivant le reflux de la mer,
Laissant fuir en son cours les rubans de leur onde,
Et mêlant leur douceur avec le sel amer,
Et leur flot paresseux à la vague profonde.

De l’ossuaire ancien, près du cloître béant ;
Des calvaires dressés en branches étagées :
En haut Notre-Seigneur, Sainte-Marie et Jean,
Puis Madeleine et Pierre, et plus bas des rangées

D’apôtres, de soldats, toute la Passion
Émue et figurée en petites images.
Où ne manquent l’étable ou l’Annonciation,
Ni les bergers, montrant le chemin aux rois Mages,

Ni Judas qui trahit d’un baiser le Sauveur.
Chacun portant l’emblème ou sculptant le symbole,
Véronique et le voile, et l’Ange avec sa fleur,
Le bon Samaritain selon la parabole.

La nuit vient du granit qui fait les chemins bleus,
Des tombes dont le deuil est visible à leurs pierres ;
Elle vient du passé chrétien ou fabuleux
Émergeant de la lande et des hautes bruyères.

(Reflets sur le sable et sur l’eau.)

MA MÉMOIRE


Ma mémoire est ouverte aux parfums anciens.
Comme une fleur pensive et qui tous les recueille.
Dans le calice et la corolle, et les fait siens.
Sur les moindres replis de sa minime feuille.

Ma mémoire est sensible aux lointaines chansons.
Comme un gosier d’oiseau vibrant sous le plumage.
Qui boit dans l’air vivant la pureté des sons,
Et les accorde, en les mêlant, et les dégage ;

Elle est aussi la coupe arrondie aux parois,
Où tombe l’eau du ciel, emplissant son argile.
Et qui déborde en pleurs sur des jardins étroits,
Plus prodigue, d’autant plus qu’elle est plus fragile