Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En Angleterre, dès le XVe siècle, nous voyons le marchand-manufacturier « contrôler » la fabrication drapière, soumettre à sa domination économique l’artisan campagnard, auquel il fournit la matière première, parfois même les métiers, et dont il concentre les produits pour les revendre sur des marchés lointains[1] ; rien ne le montre mieux que les pénalités édictées par la législation contre les artisans qui se rendraient coupables de détourner des matières premières[2].

Comme le dit si justement le professeur W. Ashley, dans son Évolution économique de l’Angleterre, ce ne sont pas les instruments de production qui font défaut aux artisans des campagnes, mais bien les marchés : ils sont obligés de subir l’intermédiaire des négociants. Seul, le Yorkshire fait exception. En cette région, comme le montre le Rapport du Comité de la Chambre des Communes, de 1806, l’ouvrier rural achetait lui-même la laine, la faisait filer, fabriquait et teignait le drap, qu’il allait vendre ensuite aux halles des villes voisines (Bradford, Leeds, Halifax, Wakefield, etc.) ; c’était un maître indépendant, mais peu à peu, au cours du XVIIIe siècle, même dans cette région, les commandes se font en dehors des marchés ; le moment n’est pas éloigné où le marchand va exercer son emprise sur le processus industriel lui-même.

En Irlande, dans l’industrie de la toile, qui se cantonne de plus en plus dans l’Ulster, c’est la même évolution qui se produit. Les tisserands ne sont que des tenanciers agricoles, pour lesquels la fabrication de la toile, absolument comme dans la Bretagne française,

  1. Voy. W. Ashley, L’évolution économique de l’Anglelerre, p. 136 et suiv. ; Lipson, History of the woolen and worsted industry, 1921 ; Herbert Heaton, Yorkshire worsted and woolen industry, 1920.
  2. Postlethwait, Universal dictionary of trade and commerce, 1755, art. Manufacturers.