Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/140

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n’est qu’une occupation accessoire ; ils vont vendre leurs étoffes aux marchés locaux, aux halles de Belfast et de Dublin, ou bien les cèdent à des courtiers, qui la vendent, à leur tour, aux marchands. Puis, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, ils tombent peu à peu dans la dépendance économique des marchands, qui souvent vont vendre les étoffes directement en Angleterre. Le marchand-fabricant a une situation de plus en plus importante. Vers la fin du siècle, les blanchisseurs, qui d’abord n’étaient que de petits entrepreneurs, deviennent souvent de grands patrons industriels, qui concentrent entre leurs mains tout le produit de la fabrication. Ce sont eux surtout qui introduisent le machinisme dans l’industrie de la toile et vont assurer le triomphe, en cette partie, du capitalisme industriel. Tels sont les faits qui se dégagent du récent ouvrage de M. Conrad Gill sur l’industrie de la toile en Irlande.

En France, on distingue nettement deux types d’industrie rurale. Le premier type s’applique aux régions dont les ressources agricoles sont insuffisantes et où la vie urbaine est peu active, comme la Bretagne et le Bas-Maine. Dans ces provinces, l’industrie campagnarde de la toile ne fait nullement concurrence aux métiers urbains, très peu nombreux. Les marchands se livrent exclusivement à des transactions commerciales, ne dirigent pas la production, ne distribuent pas la matière première, que le paysan récolte sur place ; tout au plus, s’occupent-ils de faire opérer le blanchiment et le finissage des toiles. C’est tout à fait par exception qu’ils deviennent entrepreneurs de manufactures. En Bretagne et dans le Maine, l’industrie rurale ne donnera pas naissance à l’industrie capitaliste. Elle vivait surtout des exportations à Cadix ; la perte de ce marché, pendant les guerres de la Révolution, doit la ruiner. Quand elle tombera en décadence à la fin du